Première hydrolienne EEL ENERGY dans un canal des hauts de France
Plus rapide que l'espadon...
SOURCES:
https://polenergie.org/nos-actualites/plus-rapide-que-lespadon/
https://www.eel-energy.fr/fr/video/
L’ondulation est le moyen de propulsion le plus rapide que la nature ait su trouver. L’espadon voilier ou le marlin bleu évoluent dans l’eau par ondulation à des vitesses supérieures à celle du jaguar, nous explique Franck Sylvain, PDG d’EEL Energy. Voilà une image qui permet analogiquement de comprendre comment le mouvement d’une membrane précontrainte, animée par des courants de 1 à 4m/s peut produire de l’électricité. La membrane, mise au point par EEL Energy, optimise le transfert d’énergie par un couplage entre le fluide et la structure ; ce couplage induit une ondulation de la membrane sous l’effet de la pression du fluide. Les déformations périodiques de la structure sont alors converties en électricité via un système électromécanique.
Voilà qui est simple. Et bien non, justement ! Depuis 2013, les équipes travaillent à rendre cette idée réaliste, pérenne et industrielle, et cette année 2021 pourrait être l’année de la sortie du tunnel. Il faut tout de même avoir en tête qu’une membrane ondulante d’1,6 m de large est soumise à une poussée de 250 kg, avec des pics pouvant monter à une tonne. Depuis 6 mois, le cœur du réacteur et la membrane, ne cassent plus, mais dès qu’un problème est résolu (« fixé », dirait Franck Sylvain) c’est un autre point de la machine qu’il faut sécuriser. « La membrane qui ondule, développe une pression tellement forte qu’il nous a fallu du temps pour trouver le bon générateur capable d’absorber cette puissance ». Aujourd’hui, c’est un problème résolu par l’utilisation de générateurs linéaires. Ce type de générateur demeure non immergé, à la différence des orientations prises par l’un des anciens associés du projet : voilà qui simplifie les problèmes mécaniques et les coûts que l’immersion induirait.
« Nous avons désormais une machine qui fonctionne, qui est stable, même en conditions difficiles dans une eau chaude et salée, avec des séquences importantes de production sans discontinuités ». C’était tout l’enjeu des essais menés en vraie grandeur sur le canal de rejet d’Aquanord depuis juillet 2019 en partenariat avec EDF, avec des financements FEDER et Interreg. C’est aussi grâce à ce projet qu’EEL Energy peut mesurer les quantités d’électricité produites en vraies conditions et non plus dans les bassins d’Ifremer à Boulogne-sur-mer. Ce qui marche en laboratoire, ne marche pas toujours dans la vie réelle et là, pour une envergure d’1,6m et un courant d’1,3 m/s, la membrane peut produire 800W par heure, 24 heures sur 24, soit la consommation de 4 foyers.
S’annonce donc désormais une deuxième phase d’essais sur des courants plus forts. A partir de septembre 2021, des membranes de 4x4m puis 5x7m seront testées entre les piles du pont de pierre qui enjambe la Garonne à Bordeaux. Baptême du feu : il n’y a pas plus puissant que les courants d’une marée montante. Puis des machines de plus grande envergure pourront être conçues : des membranes de 50 par 50m pourraient produire jusqu’à 10MW dans des courants de 3,8m/s. Mais Franck Sylvain s’inspire ici du biomimétisme : « j’ai choisi de ne pas dépasser la taille de 30m car les plus gros animaux marins ne mesurent jamais plus de 30m de long». Avec une membrane de 30 par 30m, 3MW de puissance sont possibles avec un courant de 4m/s.
A terme, quelle vision ? Le marché de ces machines concerne bien évidemment les grands fleuves des pays émergeants qui pourront ainsi disposer d’électricité loin des réseaux. Les biefs avals de nos centrales hydro-électriques peuvent également accueillir ce moyen de compléter leur production électrique. Mais les fleuves ont des vitesses limitées et ne pourront produire que d’octobre à avril ou mai. L’avantage alors du milieu maritime, même si la houle est un facteur complexifiant à maîtriser, c’est la continuité de production tout au long de l’année. Nos côtes normandes et bretonnes bénéficient de fortes marées allant jusqu’à 5-6m/s ! EEL Energy se contentera de 4m/s. L’idée est d’arrimer les machines sur des barges prêtes à affronter les courants en haute mer. On commencera par coupler 3 membranes de 100kW sur une barge, puis on augmentera progressivement les surfaces…
L’actionnaire Frisquet, fabricant de chaudières, continue la route avec son jeune poulain. L’équipe est renouvelée car il faut des ingénieurs certes, mais des ingénieurs ingénieux : l’un d’entre eux est lauréat du concours Lépine. La membrane d’EEL Energy est la première hydrolienne au monde à avoir obtenu une certification du bureau Veritas et depuis 18 mois, tous les dossiers de financement sont acceptés. Avec la membrane enfin opérationnelle, EEL Energy peut s’attaquer à un réel développement commercial et industriel. Des investisseurs seront sollicités pour doter la startup des moyens d’affronter les hautes mers des marchés mondiaux. Les modèles d’affaire sont adaptés aux différents marchés : soit vente directe d’équipements dans les pays émergents, soit intervention comme fournisseur d’électricité dans les pays développés, quitte éventuellement à s’associer avec un énergéticien. Franck Sylvain est serein « les gens comprennent qu’avec EEL Energy, on peut produire une électricité pas chère (LCOE très compétitif); ils comprennent aussi que cette énergie renouvelable, adossée à des courants constants, est la seule ENR complètement prédictible, à la différence de ses sœurs éoliennes et photovoltaïques. »