Plan hydrogene Pays de la Loire
Préambule : Une ambition collective
Le changement climatique est une réalité de plus en plus prégnante. Il représente l’un des défis majeurs du XXIème siècle pour l’avenir des populations et des territoires des Pays de la Loire. La Région a fait de la transition écologique une priorité afin de l’ancrer dans ses politiques régionales et de permettre aux territoires, aux entreprises, aux associations, aux ligériens d’anticiper, de s’adapter et d’en faire une opportunité. Le développement de l’hydrogène contribue à cette transition écologique et énergétique et peut permettre de construire une filière économique d’avenir pour les Pays de la Loire, porteuse d’emplois. Ainsi, dès décembre 2016, persuadée que la transition énergétique est une opportunité pour ses territoires, le développement économique et l’environnement, la Région a adopté une feuille de Route régionale sur la transition énergétique où figurait notamment la question de l’émergence d’une filière hydrogène. Forte du bon avancement de cette feuille de route, la Région souhaite amplifier cette dynamique avec le développement et l’animation d’une filière hydrogène en Pays de la Loire.
Un contexte favorable
L’énergie a été au cœur des précédentes révolutions industrielles : le charbon pour la première, le pétrole et le développement de l’électricité pour la seconde. Ces vecteurs énergétiques ont entraîné des changements fondamentaux dans les transports, dans l’industrie naissante et dans la société. Ces innovations et transformations économiques successives ont modelé progressivement l’économie et la société de consommation et de loisirs que nous connaissons. Les alertes du Groupement International d’Experts pour le Climat (GIEC) et la COP21 avec l’Accord de Paris nous rappellent la nécessité de limiter nos émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) pour limiter l’impact du changement climatique sur nos territoires. Levier pour faire face à ces problématiques, les énergies renouvelables prennent de plus en plus leur place dans le « mix énergétique ». En 2016, pour la première fois dans l’ère industrielle, la capacité renouvelable installée a dépassé les nouvelles installations conventionnelles (fossiles et nucléaires). Un enjeu majeur pour le développement des énergies renouvelables réside dans une meilleure adéquation entre la consommation et la production énergétique. La production d’énergie renouvelable est par nature intermittente. Son déploiement nécessite donc une adaptation du modèle de consommation et de gestion des réseaux énergétiques (électrique et gaz). La mutation de ces réseaux est en cours grâce notamment au déploiement de nouvelles solutions numériques qui offrent des solutions de pilotage intelligent des réseaux en équilibrant la gestion des productions locales avec les consommations (injection sur les réseaux, effacement, autoconsommation, stockage…). Dans cette nouvelle architecture énergétique, l’enjeu du stockage devient de plus en plus prégnant. Les solutions de stockage existantes offrent des capacités de stockage de court terme. Avec l’hydrogène, des solutions de plus long terme sont envisageables en lien avec les avancées technologiques. L’hydrogène prend là toute sa place et présente potentiellement de nombreux atouts pour amplifier la mutation et la transition énergétique :
• stockage : l’hydrogène permet de stocker l’électricité sous forme de gaz, qui peut être retransformé sous forme d’électricité ;
• usage : l’hydrogène permet d’être utilisé par les industriels, dans le bâtiment ou comme carburant pour des usages terrestres et maritimes sans émission de polluants ni de CO2 ;
• injection dans les réseaux gaz : l’hydrogène peut être injecté dans le réseau de gaz, mélangé au méthane ;
• captage du CO2 : l’hydrogène couplé à du CO2 permet de fabriquer du méthane de synthèse, captant ainsi le gaz carbonique de certaines usines.
L’hydrogène s’inscrit dans ce contexte inédit : une révolution numérique, une transformation énergétique et un impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’hydrogène est un vecteur énergétique puissant par sa capacité à relier les énergies et les réseaux entre eux (de l’électricité au gaz et inversement), à pouvoir remplacer le pétrole comme combustible décarboné pour le secteur du transport, et à être produit localement à partir d’eau, d’électricité ou de ressources naturelles comme le chanvre, le bois, …
Un marché de l’hydrogène sur le point de changer d’échelle
Aujourd’hui, la quasi-totalité de l’hydrogène mondial est produite à partir d’hydrocarbures soit 60 millions de tonnes (Mt) dont un peu moins d’1 Mt en France. Il est principalement destiné à l’industrie pétrolière (raffinage) et chimique (fabrication d’ammoniac et d’engrais, de méthanol…).
A l’échelle mondiale, les investissements sont passés de 40 milliards de dollars en 2004 à 242 milliards de dollars en 2016 et 289 milliards en 2018, employant un peu moins de dix millions de personnes dans le monde.
L’Asie avec la Chine, la Japon et la Corée du Sud et certains états des Etats d’Unis d’Amérique ont fait le choix d’un développement ambitieux pour l’hydrogène. En 2018, selon l’Agence internationale de l’énergie estimait à 11 200 le nombre de véhicules à hydrogène en circulation, les véhicules de particuliers ne représentant qu’une très faible part dû à un manque de stations de recharge déployées et accessibles. 376 stations seraient déployées dans le monde dont 100 au Japon, 43 en Allemagne, 38 aux États-Unis et moins d’une vingtaine en France. L’Hydrogen Council estime que l’hydrogène pourrait alimenter 10 à 15 millions de voitures dans le monde d’ici à 2030 et 500 000 camions dans le monde d'ici à 2030.
Il existe trois grands procédés de production d’hydrogène :
- par reformage : largement majoritaire aujourd’hui (96% de la production mondiale) et carboné avec l’usage des énergies fossiles. Cet hydrogène est appelé « hydrogène gris ».
- par électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité. En France, les projets utilisent en très grande majorité l’électricité issue du réseau, l’hydrogène ainsi produit est appelé « hydrogène décarboné ».
- par gazéification à partir de la biomasse. Lorsque les sources utilisées sont renouvelables (électricité produite par des parcs éoliens ou solaires, , biomasse solide ou liquide (chanvre, bois, effluents d’élevage, de station d’épuration…)), on parle d’hydrogène « vert » ou renouvelable.
En région Pays de la Loire, plusieurs acteurs sont en capacité d’expérimenter, via des premiers projets, différentes solutions de production d’hydrogène renouvelable :
- par électrolyse de l’eau avec une électricité provenant de parc éolien – projet LHYFE ;
- par gazéification avec une ressource provenant de biomasse locale – projet Qairos Energies ;
- par voie biologique – projet porté par ATHENA.
Il existe également un réseau d’acteurs ligériens impliqués dans le développement de solutions hors région et en mesure de présenter des opportunités de développement de la filière autour de la pyrogazéification ou de la gazéification hydrothermale par exemple. Grâce à la richesse de ces acteurs, à la diversité des ressources renouvelables présentes en Pays de la Loire et disponibles pour ces différents types de production, la Région pose l’ambition de positionner les acteurs ligériens parmi les premiers dans la production d’un hydrogène renouvelable.
Un collectif hydrogène ligérien émergent
Dans ce contexte, les Pays de la Loire possèdent des atouts. De nombreux acteurs sont déjà mobilisés et prêts à s’engager : organismes de recherche, entreprises, syndicats départementaux d’énergie, collectivités... Ce collectif fait émerger depuis plusieurs années des projets autour de l’hydrogène (Trajectoire hydrogène – portée par la Région et la Chambre de commerce et d’industrie régionale, études prospectives, projets R&D, identification de nouveaux marchés et réalisations concrètes et opérationnelles).
Ces dernières années, des projets engagés parfois depuis de nombreuses années se sont concrétisés. Une mobilisation d’acteurs clés, une appétence croissante pour des technologies zéro émission, et de façon générale, une urgence à accélérer les développements de solutions contribuant à décarboner notre système énergétique sont surement les premiers catalyseurs de ces projets. Par exemple, une première station Multhy opérée par la SEMITAN est opérationnelle sur Nantes Métropole (Saint-Herblain) et accueille déjà quelques véhicules utilitaires.
Au-delà de ces premières concrétisations, la région compte deux grands écosystèmes en cours de constitution. Ils ont déposé leur candidature, en 2019 à l’appel à projets ADEME : H2 Loire Vallée et H2Ouest.
H2Ouest s’articule autour d’une production novatrice avec 100% de l’hydrogène produit à partir de parc éolien et le développement de différents usages terrestres en Vendée et au Mans. Il s’agira notamment du déploiement d’usages terrestres autour de flottes captives de bus ou de bennes à ordures, adossé à une montée en compétence autour de la filière automobile (développement d’innovation avec l’Automobile Club de l’Ouest (remplissage rapide des réservoirs de voiture, solutions duplicables pour l’avitaillement des bateaux (lien avec H2 Loire Vallée), formation technique et commerciale, rayonnement international (« 24h du Mans ») participant à une diffusion grand public de l’usage de l’hydrogène,…). En Vendée, LHYFE réalisera une production d’hydrogène renouvelable en étant directement connecté à un parc éolien. Première réalisation française voire européenne à vocation commerciale, la réussite de ce démonstrateur ouvre ainsi de nouvelles perspectives de production d’hydrogène renouvelable pour la filière.
H2 Loire Vallée s’appuie sur un potentiel avec une spécificité ligérienne forte, à travers le déploiement d’applications maritime et portuaire (bateau, navire, logistique portuaire) offrant une opportunité pour la création d’une chaîne de valeur autour de l’hydrogène maritime et fluvial avec des compétences régionales reconnues. Ce projet participera à la montée en gamme des acteurs économiques sur une filière créatrice de valeur : l’intégration de systèmes Hydrogène dans les embarcations fluviales et maritimes et la marinisation des équipements.
Un projet de bateau de service à motorisation hydrogène est également à l’étude dans le cadre de la maintenance des premiers parcs éoliens français, dont celui au large de Saint-Nazaire.Par ailleurs, un troisième projet nommé H2X est en cours de développement sur les régions Pays de la Loire et Bretagne. H2X vise à développer sur Redon agglomération un centre d’assemblage de véhicules scolaires hydrogène ultra léger pour offrir des services de mobilités. Tout un écosystème complet sera proposé : de la production d’hydrogène à la fourniture de capsules pour les véhicules. Un déploiement au Mans est également en réflexion.
Ces écosystèmes s’inscrivent dans la philosophie régionale et dégagent une vision claire des réalisations à venir : - un premier maillage de stations de production-stockage-distribution adapté aux besoins locaux et s’inscrivant dans une perspective d’interopérabilité technique et commerciale offerte aux usagers afin de leur garantir une sécurité de service et d’inscrire le territoire régional dans une possibilité d’itinérance nationale et internationale ; - des spécificités régionales avec la filière maritime, la production d’hydrogène renouvelable, le sport automobile, des laboratoires reconnus nationalement et internationalement sur des programmes de recherche ; un déploiement des usages :
• de mobilité terrestre, s’appuyant notamment sur des flottes captives structurantes ;
• maritimes, fluviaux et portuaires, consolidant parallèlement le développement d’un savoir-faire industriel ligérien ;
• ferroviaires, dans le cadre des opportunités qui pourront se présenter au fur et à mesure de l’ouverture à la concurrence de lignes TER de la Région ;
• aéronautiques, dans le cadre de projets de développement d’avions à motorisation hydrogène, et aéroportuaires, à l’occasion du renouvellement de l’attribution de la concession de Nantes Atlantique pour laquelle le développement d’usages basés sur l’hydrogène sera demandé auprès de l’Etat par la Région ;
• bâtimentaires pour expérimenter de nouvelles approches.
Enfin, ce développement d’une filière hydrogène en Pays de la Loire se fera en synergie avec les régions avoisinantes.
Ainsi, la Région Pays de la Loire et la Région Bretagne, dont le plan sera également adopté en 2020, se sont associées dans leur groupes de travail respectifs. La collaboration engagée se poursuivra dans le cadre de la mise en œuvre de leurs plans d’actions. Des opportunités de partenariat interrégional ont notamment été identifiées autour :
- de la dynamique SMILE – SMart Ideas to Link Energies, mise en place depuis 2016 en Pays de la Loire et en Bretagne, qui a pour objectif est de faire du Grand Ouest une vitrine en matière de réseaux énergétiques intelligents. Des projets hydrogène ont été accompagnés dans cette dynamique ;
- du volet maritime, fluvial et portuaire ;
- d’un schéma de maillage en stations de distribution ;
- de la mutualisation de certains évènements ;
- d’appels à projets ou de réponses à des appels européens communs.
Par ailleurs, ces réflexions se feront également avec les autres Régions limitrophes, notamment :
- Centre Val de Loire et Normandie autour du ferroviaire (cf. action 2.2.2) ;
- Autour de la Loire à Vélo Hydrogène (cf. action 4.4) avec la Région Centre Val de Loire.
Une feuille de route au cœur d’un écosystème régional
Elaborée en concertation avec les acteurs, cette feuille de route constitue une 1ère étape de mobilisation des partenaires au travers du comité des partenaires hydrogène, qui s’est réuni à trois reprises depuis mai 2019. Ce comité a été nourri par l’étude sur les opportunités de déploiement de l’hydrogène renouvelable en Pays de la Loire, menée en parallèle par la Région et l’ADEME sur les opportunités de déploiement de l’hydrogène renouvelable en Pays de la Loire. Elle a permis d’alimenter une stratégie qui s’est d’abord appuyée sur l’identification des usages et des marchés associés, pour ainsi investir là où des débouchés économiques sont identifiés et réels. Elle a montré que les usages sont suffisants et suffisamment massifiés pour trouver une parité et un équilibre économique à même d’être compétitifs, en comparaison aux énergies conventionnelles.
Cette feuille de route formalise les actions à engager collectivement pour accélérer le développement d’une filière hydrogène et déployer les usages en Pays de la Loire. Elle s’inscrit dans la politique globale de la Région en matière de transition écologique en donnant à l’hydrogène toute sa place dans le mix énergétique. Elle s’intègre également dans la stratégie régionale de développement économique et d’innovation. Son ambition est en effet de développer l’écosystème hydrogène émergent, dans une perspective de développement de l’emploi, de l’innovation et des compétences. Une passerelle est également faite avec les questions de recherche, d’innovation, de transport, de formation. Cette feuille de route s’inscrit enfin dans le cadre du schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en cours de réécriture en 2020. Il s’agit donc d’une feuille de route transversale qui mobilisera l’ensemble des compétences de la Région.
Cette dynamique ligérienne en cours a entraîné des rencontres, échanges et collaborations qui ont fait naître une ambition partagée. Cette ambition se fonde sur :
- un grand écosystème régional hydrogène cohérent et complémentaire ;
- des premiers déploiements de sites pilotes, répartis géographiquement, s’appuyant sur des spécificités et des savoir-faire, notamment autour de la filière fluviale et maritime, de la production d’hydrogène issu d’énergies renouvelables locales, de la course automobile…;
- une logique de développement de la chaîne de valeur française ou ligérienne quand il existe des opportunités (de la production à l’usage).
L’ambition de la feuille de route hydrogène est de parvenir à : - l’émergence d’une « Pays de Loire Hydrogène Vallée » d’ici 2030, pour faire de la région l’une des toutes premières en matière de production et d’usage « d’hydrogène renouvelable » ; - la création d’une filière d’excellence sur certaines spécificités régionales (maritimes, fluviales, manutention, courses automobiles…). La feuille de route s’articule ainsi autour de 4 axes déclinés en 25 actions opérationnelles :
- Un axe 1 pour faire des Pays de la Loire une région à hydrogène renouvelable ;
- Un axe 2 pour rendre l’usage de l’hydrogène accessible à tous dès 2030 ;
- Un axe 3 pour faire émerger des filières d’excellence et faire du Grand Port Maritime NantesSaint-Nazaire le premier grand port hydrogène de l’Atlantique ;
- Un axe 4 pour installer le collectif Pays de la Loire hydrogène Vallée dans le paysage national et ligérien. La Région mobilisera 70 millions d’euros d’ici 2030 pour la mise en œuvre de cette feuille de route hydrogène, hors budget transport. Au total, ce sont près de 100 millions d’euros qui pourront être mobilisés au travers de ces actions, y compris avec des fonds européens